Les infirmières pendant la Première Guerre mondiale - Musée de la Grande Guerre

Les infirmières de la Première Guerre mondiale

09.04.24

Au cours de la Première Guerre mondiale, le bilan humain a été très lourd. Près de 10 millions de soldats sont morts et plus de 20 millions ont été blessés. En premier lieu, pour s’occuper de ceux qui ont été blessés ou qui tombent malades à cause de la dure vie quotidienne des tranchées, on retrouve les infirmières. Si le commandement s’attendait à une guerre courte, avec une majorité de blessés par balles et peu de blessés graves, la puissance de feu de l’artillerie et la durée inattendue du conflit aura conduit à la mobilisation de nombreuses infirmières venues de différents horizons et dont le rôle a été crucial pour soigner.

Qui sont les infirmières et quels sont leurs statuts ?

Si l’on prend l’exemple de la France, ce sont 120 000 infirmières qui ont été mobilisées pendant la Première Guerre mondiale. Cependant, elles ont des origines et des statuts très différents. Traditionnellement, le soin aux malades est l’apanage des ordres religieux féminins, de différentes congrégations (Augustines, Filles de la charité de Saint Vincent de Paul, etc.). On estime qu’elles étaient 12 000 en 1914.

Cependant, l’État encourageait la laïcisation de l’hôpital avec la création de formations au sein d’hôpitaux publics dès 1899, puis par la création d’écoles spécialisées, comme la Salpêtrière en 1907. L’objectif était de bénéficier d’infirmières expérimentées et formées aux règles d’hygiène et de prophylaxie (stérilisation du matériel et des instruments, port d’un uniforme plus hygiénique, etc.). Ces formations attirent notamment des jeunes filles issues des classes sociales modestes. En 1914, en plus des religieuses, on compte 6 600 infirmières diplômées (contre 43 en 1884).

À partir de 1866, la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM) s’inspire de l’expérience de l’infirmière britannique Florence Nightingale (1820-1910) pendant la Guerre de Crimée (1853-1856) pour former des femmes issues de l’aristocratie catholique (gage de leur moralité, jugent ses fondateurs), tandis que l’Association des Dames Françaises (ADF), en 1879 recrute davantage dans les milieux politiques et économiques. Enfin, en 1881, est fondée l’Union des Femmes de France (UFF), considérée comme la plus féministe. Dès 1907, les trois sociétés sont fédérées par la Croix-Rouge. En 1914, elles comptent 250 000 adhérentes.

Elles sont engagées dès le début de la guerre. Cependant, l’ampleur inattendue du conflit oblige au recrutement, et de nombreuses volontaires découvrent le métier dans le contexte de la guerre. En mars 1916 est créé un corps d’infirmières temporaires des hôpitaux militaires qui s’adresse aux femmes ayant les aptitudes et les connaissances nécessaires. Elles seront 5000 en 1918.

Les infirmières de la Première Guerre mondiale étaient issues de milieux très divers et n’avaient pas les mêmes compétences ni le même niveau de formation. Pourtant, et même si les conditions matérielles et le milieu social d’origine ne disparaissent pas totalement, dans le travail, ils tendent à s’effacer.

Il est important de se rappeler que l’exemple de la France ne peut pas être généralisé. La situation des infirmières et leur statut varient d’un pays à l’autre. Par exemple, le Royaume-Uni disposait dès 1914 d’un grand nombre d’infirmières professionnelles, et les États-Unis, qui disposaient déjà de programmes universitaires dédiés au début du XXe siècle, ont pu bénéficier de l’expérience accumulée par les autres pays à leur entrée en guerre en 1917. À l’inverse, pour des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie, au moment de leur entrée en guerre, la création de formations pour infirmières professionnelles n’était qu’au stade de projet.

Groupe d’infirmières préparant des pansements
Groupe d’infirmières préparant des pansements

Les conditions de travail

Les conditions de travail des infirmières sont très difficiles, surtout quand elles sont proches du front, où elles doivent composer avec les conditions climatiques, l’humidité, la boue, la charge de travail importante, les restrictions d’eau, le manque de sommeil, la vie en communauté, etc. Le quotidien de ces femmes est également marqué par l’incertitude : lieu de déploiement, afflux massif de patients suite à une nouvelle offensive, repli en cas d’avancée ennemie… Les risques d’infection (typhus, paludisme, grippe espagnole) ou de contamination (lors des soins aux victimes des armes chimiques) dans le cadre de leur travail n’est pas négligeable et, bien qu’elles soient en principe protégées par leur statut d’infirmière, elles sont exposées aux bombardements ou aux attaques de sous-marins pour celles qui exercent sur un bateau. Elles peuvent aussi tout simplement être faites prisonnières.

Les risques psychologiques sont également réels : à ces conditions difficiles s’ajoutent le fait d’être confrontées quotidiennement aux horreurs de la guerre et les choix éthiques difficiles auxquels elle doivent faire face, sans oublier l’anxiété due au fait qu’elles aussi ont des pères, des frères, des fils, etc. au front. Les risques de ce qu’on appelle aujourd’hui le burnout ou de syndrome de stress post-traumatique sont bien réels.

Uniforme d'’infirmière
Uniforme de l’infirmière Sidonie Pocquet

Quels traitements prodiguent-elles ?

Contrairement à ce que pensait l’état-major au début de la guerre, les soignants ont été rapidement dépassés par les blessures mutilantes, notamment due à l’artillerie. Les débris qui souillaient les plaies (terre, débris d’obus, etc.) augmentaient significativement les risques d’infection, notamment par le tétanos ou la gangrène gazeuse.

Enfin, il faut également noter que beaucoup de patients n’étaient pas blessés, mais malades. La promiscuité et les conditions d’hygiène déplorables des tranchées, notamment en première ligne, favorisent le développement de maladies infectieuses comme le typhus et la tuberculose, à une époque où les antibiotiques n’existaient pas, mais aussi, à partir de 1918, la grippe espagnole. Enfin, il faut également composer avec les séquelles psychologiques des soldats, eux aussi sujets au syndrome de stress post-traumatique, que l’on qualifiait à l’époque d’obusite.

Pendant la Première Guerre mondiale, les infirmières apportent d’abord des soins de base aux patients : les déshabiller, les ausculter, surveiller les constantes, faire des pansements, faire une toilette complète et éliminer les poux. Enfin, le patient est mis dans un lit, où il peut se reposer et récupérer.

Les infirmières prodiguent également des soins techniques, qui impliquent l’utilisation de matériel qu’il faut scrupuleusement nettoyer et stériliser entre chaque utilisation (seringues, matériel à pansements, etc.). Au bloc opératoire est utilisé un matériel varié (champs opératoires, boîtes d’instrumentation, gants en caoutchouc, blouses, etc.) dont l’infirmière assure la préparation. Face à la diversité des cas à traiter et des besoins, elles développent des compétences en anesthésie, radiographie, radioscopie, mécanothérapie, électrothérapie, bactériologie, massage, etc.

Infirmières

Les représentations de l’infirmière pendant la Première Guerre mondiale

Le rôle des femmes au cours de la Première Guerre mondiale est immense : elles remplacé les hommes à l’usine et aux champs. Pourtant, celle qui fait le plus l’objet de représentations à l’époque, c’est la figure de l’infirmière.

Ces représentations sont très variées, mais on y retrouve des thèmes récurrents. Leur héroïsme, voire leur rôle de martyres (avec Edith Cavell, par exemple) est souvent mis en avant. Celle qui revient le plus souvent reste cependant celle de l’ange blanc, auréolé de son voile. On l’associe également à la notion de patriotisme. On vante la douceur et l’abnégation des infirmières. Certaines d’entre elles sont particulièrement restées dans les mémoires, pour leurs actions au cours du conflit, comme sœur Julie ou Élisabeth de Belgique.

Cependant, les représentations auprès du grand public des infirmières sont édulcorées et ne montrent pas la dure réalité de leur quotidien et rendent peu hommage à leur réelles compétences. Elles font aussi l’objet de plaisanteries, voire de grivoiseries. Au fil des représentations, l’infirmière est tour à tour séductrice avec ses patients ou ingénue. En réalité, elles n’auront guère eu la parole au cours du conflit et c’est pendant la Première Guerre mondiale que naissent certains des poncifs qui accompagnent la profession.

En savoir plus sur l’histoire de la Première Guerre mondiale

L’histoire de la Première Guerre mondiale, des infirmières et du rôle des femmes en général pendant le conflit est un sujet passionnant sur lequel il y a beaucoup à découvrir. Si vous souhaitez en savoir plus, le Musée de la Grande Guerre de Meaux vous invite à découvrir ses collections permanentes.