Les artilleurs de la Grande Guerre
Musée ouvert aujourd’hui de 09h30 à 18h00
Quand la Première Guerre mondiale éclate, la France dispose d’une artillerie composée essentiellement de canons de 75 mm, modèle de 1897. Cette pièce d’artillerie caractéristique et innovante pour l’époque, présentait cependant ses limites du fait de l’évolution du conflit en guerre de positions.
Au tout début de la guerre, la France disposait de 62 régiments d’artillerie de campagne composés de 3 groupes de 3 batteries de 4 canons de 75 mm (soit 36), sauf les régiments de corps d’armées, qui comptent 4 groupes. Chaque corps d’armée disposait donc de 120 canons de 75.
Il s’agissait d’un modèle révolutionnaire lors de sa conception. Auparavant, l’un des principaux défauts des canons était que le recul dû au tir leur faisait perdre leur ciblage. Il fallait donc entre chaque tir replacer l’arme pour viser l’objectif. Le canon de 75 a cependant été le premier à être équipé d’un frein de recul. Ainsi, il n’est plus nécessaire de le remettre en place entre chaque tir, ce qui permet d’accélérer la cadence. Dans les faits, c’était le meilleur canon de l’époque.
Cependant, malgré la supériorité stratégique française, l’Allemagne, elle, pouvait rivaliser grâce à ses nombreux effectifs. Chaque corps d’armée allemand disposait de 160 pièces, dont le fameux canon de 77 mm.
Ce fleuron de l’artillerie française rencontrera dès le début du conflit de sérieuses difficultés.
L’un des premiers sera la pénurie de munitions. En effet, au début de la guerre, la France dispose de 4 900 000 obus, soit environ 1390 par pièce qu’elle peut effectivement déployer. La durée inattendue de la guerre conduira à un manque dès octobre 1914. La production était censée reprendre début octobre, mais dès la fin de la bataille de la Marne, le 17 septembre, le général Joffre tire la sonnette d’alarme et réclame 70 000 obus de 75 par jour, bien loin des capacités de production de la France.
Dès l’enlisement du conflit et la généralisation des tranchées sur le front de l’ouest, le canon de 75 montre ses limites dans un conflit pour lequel il n’avait pas été conçu. La France a besoin d’une artillerie lourde capable de tirer à très grande distance pour détruire les positions adverses, mais aussi d’une artillerie de tranchée capable d’atteindre les boyaux creusés par l’ennemi. Hors, le canon de 75 est dépassé par l’artillerie lourde allemande et il n’est pas conçu pour être installé dans une tranchée et réaliser des tirs en cloche. L’artillerie française devra alors s’adapter aux réalités de la Première Guerre mondiale.
Le canon de 75, en tant que pièce d’artillerie principale de la France sera utilisé tout au long du conflit, malgré ses défauts. Pour faire face à la durée et à l’ampleur inattendue du conflit, la production industrielle devra être augmentée, mais fera face à plusieurs défis.
D’abord, sa production de canons ne permettait pas de répondre à la demande : elle n’était que d’environ 5 canons par jour avant la guerre. L’usure et la destruction de nombreuses pièces d’artillerie rendent la situation très tendue.
La production d’obus de 75 posera également problème. Comme indiqué précédemment, leur utilisation atteint des sommets et les réserves s’épuisent rapidement, alors qu’il n’était pas prévu d’en relancer la fabrication avant le mois d’octobre 1914.
Ces questions sont d’autant plus exacerbées que les matières premières sont difficiles à obtenir. Qu’il s’agisse du cuivre ou des produits chimiques permettant de fabriquer la poudre, la France doit faire face à l’épuisement de ses réserves et aux difficultés de les renouveler, notamment du fait de la guerre sous-marine menée par l’Allemagne qui limite par exemple la possibilité d’importer du nitrate de soude du Chili ou du nitrate d’ammonium de Norvège. L’industrie chimique française était peu développée et, avant la guerre, dépendait d’importations venues du Royaume-Uni, mais surtout du pays qui disposait d’un quasi-monopole mondial sur les produits servant à fabriquer des explosifs : l’Allemagne.
Malgré toutes ces difficultés, la France aura réussi à augmenter sa production, à la fois par la démobilisation et l’envoi sur les sites de production d’hommes aux compétences recherchées, mais aussi grâce au travail des femmes et d’une main d’œuvre venue des différents territoires de l’empire colonial, qui se sont fortement mobilisées tout au long du conflit. Le recours à l’industrie privée aura également permis d’augmenter sensiblement la production d’obus, non sans problème. Les industriels ne disposaient pas forcément de l’équipement idéal pour la fabrication du matériel, puisque jusque-là, seuls les arsenaux étaient habilités, ce qui cause des problèmes de qualité. Par exemple, on constate que les incidents d’explosion du canon, particulièrement craints des artilleurs, sont bien plus courants avec les obus issus de l’industrie privée qu’avec ceux produits avant la guerre (1 pour 500 000 contre 1 pour 5000). Ce phénomène était particulièrement marqué en 1915.
Sur la durée, la production française aura augmenté, permettant d’alimenter son armée, mais aussi celle des États-Unis.
Cet exemple concernant le seul canon de 75 mm français révèle une réalité souvent méconnue de la Première Guerre mondiale : la production d’armes, de munitions et l’approvisionnement en matières premières sont un axe stratégique majeur pour s’adapter à un conflit d’une ampleur inconnue jusqu’alors. Si vous voulez découvrir la Première Guerre mondiale sous tous ses aspects, le Musée de la Grande Guerre de Meaux vous propose de découvrir ses collections permanentes.