La bataille des Dardanelles/de Gallipoli - Musée de la Grande Guerre

La bataille de Gallipoli (ou des Dardanelles) de 1915-1916

11.16.22

Parmi les affrontements à l’est de l’Europe de la Première Guerre mondiale, la bataille de Gallipoli, aussi appelée bataille des Dardanelles, est l’un des plus connus. Du 18 mars 1915 au 9 janvier 1ç16, les troupes de l’Empire britannique et de la France ont affronté les troupes ottomanes pour le contrôle d’un détroit stratégique. Pourquoi une telle bataille et quelles en ont été les conséquences ?

Qu’est-ce que la péninsule de Gallipoli et pourquoi est-elle stratégique ?

Durant la Grande Guerre, la France et le Royaume-Uni étaient alliés à la Russie. Pour ravitailler celle-ci, la voie maritime la plus simple est de passer par la mer Méditerranée, puis la mer Noire. Cependant, entre les deux, il est nécessaire de passer deux détroits contrôlés par l’Empire ottoman : celui des Dardanelles, puis celui du Bosphore. C’est donc un passage particulièrement stratégique. La bataille doit son nom au détroit, mais aussi à la péninsule de Gallipoli, sur sa rive nord, où ont eu lieu les combats.

Autres points importants : une fois les Dardanelles passées, les alliés seraient proches de Constantinople (l’actuelle Istanbul). Ils espéraient qu’une fois la capitale ottomane prise et la capitulation obtenue, les Russes seraient libres de circuler en Méditerranée, et l’Égypte et le canal de Suez (possessions britanniques à l’époque) seraient à l’abri d’une attaque.

Enfin, une reddition ottomane permettrait d’encercler les empires centraux, un avantage stratégique clef.

Carte de l'Empire ottoman
Carte de l'Empire ottoman
Carte du front sur la péninsule de Gallipoli (à gauche)
Carte du front sur la péninsule de Gallipoli (à gauche)

Comment s’est déroulée la bataille de Gallipoli ?

Le blocage du détroit par les Ottomans

Le détroit est long de 61 kilomètres et particulièrement étroit, puisqu’à son plus large, il fait 6 kilomètres de long et au plus étroit, à peine, 1,2 kilomètres. Les Ottomans sont donc en position de force, puisqu’ils peuvent aisément bombarder tout navire ennemi qui tenterait de passer.

L’objectif allié est d’attaquer tout en bombardant la zone. Le bombardement a lieu le 19 février 1915, puis, le 18 mars, un assaut naval est lancé : c’est le début de la bataille des Dardanelles. Malheureusement, le Royaume-Uni sous-estime la puissance ottomane et les moyens alloués à l’attaque sont trop faibles.

Les navires britanniques et français s’engagent dans le détroit, qui est protégé par 10 lignes de mines, et subissent des bombardements. Le résultat de l’assaut est catastrophique : non seulement, la tentative de percée est un échec, mais plusieurs cuirassés sont endommagés, voire coulés, avec notamment les cuirassés suivants :

  • le Bouvet (France) ;
  • le HMS Irresistible (britannique) ;
  • le HMS Ocean (britannique).

Le débarquement du 25 avril 1915

Les troupes alliées débarquent malgré tout le 25 avril 1915 sur la péninsule de Gallipoli. Aux Britanniques et Français (dont les tirailleurs sénégalais) s’ajoutent des troupes australiennes et néo-zélandaises, réunies au sein d’un corps d’armée que l’on nomme ANZAC (Australian and New Zealand Army Corps). C’est le premier engagement de ces troupes pendant la Grande Guerre et leur implication est telle que désormais, l’une des baies de Gallipoli porte encore aujourd’hui le nom de baie ANZAC.

Les troupes débarquent sur 5 plages (désignées par les lettres S, V, W, X et Y). L’objectif est de prendre le cap Helles, à l’entrée du détroit. Cependant, le manque de renseignements et d’hommes joue en défaveur des alliés, qui ne parviennent pas à avancer au-delà des côtes. Notamment, les débarquements sur les pages V et W sont un succès, mais au prix de lourdes pertes. Sur la plage Y, les Britanniques ne rencontrent aucune résistance, mais ne profitent pas de l’opportunité de prendre le village de Krithia, alors non défendu. Une erreur stratégique, car lorsque, plus tard, ils lancent enfin l’offensive, les Ottomans ont eu le temps de se déployer dans la zone et les alliés échouent à deux reprises à prendre le village.

La bataille des Dardanelles s’enlise et les alliés doivent se terrer dans des tranchées et des abris creusés dans les collines, dans des conditions insalubres dues notamment aux nombreux cadavres non enterrés jonchant les plages.

Le débarquement de la baie de Suvla

Face à l’échec du premier débarquement, il est décidé d’en prévoir un nouveau. Cette fois, l’objectif est de prendre les collines plus au nord de la péninsule, tandis que les troupes déjà en place lanceraient un assaut depuis le sud pour forcer les Ottomans à dégarnir leurs défenses au nord.

Lors du débarquement, le 6 août 1915, les Britanniques ne rencontrent que peu de défenses, mais ne poussent pas leur assaut plus loin que les plages, permettant à leurs adversaires de se redéployer et d’opposer une féroce résistance. Le scénario du premier débarquement se répète : le front se fige alors et des tranchées sont creusées. Au sud, si l’ANZAC parvient à capturer la principale ligne ottomane, les autres attaques se soldent par de nouveaux échecs.

Les tentatives d’assaut échouent et, à peine une semaine après le débarquement de la baie de Suvla, les Ottomans ont repris le terrain perdu.

Le retrait allié

Cet échec marque le début de la fin de la bataille de Gallipoli, d’autant plus que la Bulgarie entre en guerre contre les alliés et ouvre un nouveau front au nord de la Grèce. La décision est donc prise d’évacuer les troupes pour les redéployer sur le front de Salonique.

Cette opération se déroule sur plusieurs semaines. Une première partie des troupes est évacuée entre les 18 et 19 décembre 1915 pour les baies ANZAC et de Suvla, tandis que les dernières troupes au cap Helles sont évacuées les 8 et 9 janvier 1916.

Bien que les sources varient, au total, ce sont plus de 100 000 hommes qui sont morts au combat et plus de 200 000 ont été blessés. Les épidémies, avec notamment la dysenterie et la typhoïde, ont, elles aussi, emporté des milliers d’hommes.

Flotte alliée vers Gallipoli en 1915
Flotte alliée vers Gallipoli en 1915

Quelles sont les conséquences de la bataille ?

La bataille des Dardanelles a eu un impact politique important au Royaume-Uni et en Turquie.

Winston Churchill, qui était premier lord de l’Amirauté depuis 1911, était à l’initiative de l’opération et espérait réussir à prendre Constantinople. L’échec de cette opération lui est attribué et il se voit obligé de démissionner de son poste.

Du côté ottoman, un certain Mustafa Kemal Pacha s’illustre et devient un héros national. C’est le début de l’ascension de celui qui prendra plus tard le nom de Kemal Atatürk. Celui-ci se distinguera à nouveau après la Grande Guerre en prenant la tête de la résistance pendant la guerre d’indépendance turque (1919-1922), qui débouchera sur une révision du traité de Sèvre, à l’origine très défavorable pour les Turcs, qui auraient ainsi perdu de nombreux territoires au profit des puissances européennes. Enfin, l’aura qu’il aura gagné au cours de ces deux guerres lui donnera l’influence nécessaire pour devenir le fondateur de l’État turc moderne et de réaliser son occidentalisation.

La bataille des Dardanelles reste une bataille marquante, notamment en Turquie, pour qui elle est considérée comme un événement fondateur pour le pays, mais aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans ces deux pays, la date du 25 avril est l’une des principales célébrations militaires, nommée la journée de l’ANZAC (ANZAC Day).

Aujourd’hui encore, sur la péninsule de Gallipoli, des cimetières militaires alliés sont entretenus et visités chaque année, lots de la journée de l’ANZAC.

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