Le monument américain - Musée de la Grande Guerre

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Service conservation | 01.19.22
Le monument américain

Le monument commémoratif de la Première bataille de la Marne avait été inauguré et offert à la ville en 1932 par le peuple américain grâce à une grande campagne de souscription ayant rassemblé plus de 3 millions de citoyens.

Réalisé par les sculpteurs américains Frederick MacMonnies (1863-1937) et son ancien élève Edmondo Quattrocchi (1889-1966), ce monument commémore la victoire de la Marne ayant eu lieu sur le territoire de Meaux en 1914.

Sculpture imposante et remarquable de 24 mètres, elle est aujourd’hui indissociable du paysage de Meaux et du musée de la Grande Guerre.

Contenu réalisé par le service conservation pour l’exposition « Un cadeau des Américains » en 2012.

L’histoire du monument

En 1916, Thomas W.Lamont, un banquier américain influent, lance le projet de financer la construction d’un monument sur le sol français, exprimant l’admiration des Américains pour l’héroïsme et le sacrifice des Français lors de la bataille de la Marne.
Un comité de mécènes d’Américains francophiles confie à l’artiste Frederick MacMonnies, un sculpteur américain renommé, la responsabilité de concevoir le monument. Un article du New York Times magazine du 11 novembre 1917 annonce le lancement prochain d’une campagne de collecte de fonds et montre un dessin au fusain, premier projet de MacMonnies pour le monument.

La réalisation : du dessin à la sculpture

Le dessin de 1917, avant-projet de MacMonnies pour le monument, montrait une Liberté ailée à la posture dynamique et guerrière brandissant un drapeau. Vers 1920, MacMonnies modèle l’esquisse en terre d’une composition pyramidale présentant une Jeanne d’Arc en armure saisissant un drapeau aux fleurs de lys, des soldats morts reposent sur sa cuisse et à ses pieds. Il n’est pas surprenant que MacMonnies utilise la figure de Jeanne d’Arc : dans les années suivant sa canonisation et depuis son jubilé en 1912, la popularité de Jeanne d’Arc atteint son apogée. Elle est devenue un puissant symbole de la résistance et du courage français contre l’ennemi.
Par la suite et jusqu’en 1928, la composition évolue à nouveau et montre une femme nue debout, allégorie de la France qui se relève. Les changements successifs de la composition voient le retrait puis le retour du soldat sur la cuisse, l’ajout de victimes convulsées et entremêlées et les traits du visage de la femme sont rendus plus dramatiques. C’est Marion Jones Farquhar (1883-1965), soeur d’Alice MacMonnies, la seconde femme de l’artiste, qui a servi de modèle pour le visage de la femme.

AMERICA’S GIFT TO FRANCE, LA CAMPAGNE DE LEVÉE DE FONDS
Thomas Lamont et Frederic MacMonnies chiffrent l’ensemble des frais liés à l’opération – de la création de la maquette, à la réalisation et l’installation en passant par le transport vers la France – à 275 000 dollars. L’artiste renonce à recevoir une rétribution pour son travail sur le monument préférant réserver ces crédits à la réalisation d’une sculpture encore plus imposante.

Une fois la guerre terminée et pour lancer la campagne de souscription Thomas Lamont fait appel au publicitaire John Price Jones qui a participé à la mise en place de la campagne des emprunts de la Liberté (Liberty Bonds) à New York.

La campagne pour le monument de la Marne est alors baptisée America’s Gift to France. Elle est présentée comme un cadeau à la France de la population américaine et des futurs donateurs. En effet, la France avait offert une trentaine d’années plus tôt la statue de la Liberté en signe d’amitié entre les deux nations et pour célébrer le centenaire de la Déclaration d’indépendance américaine. Le projet avait été entièrement financé par des fonds privés à l’occasion de collectes qui s’étaient tenues en France en 1875 et 1880.

L’objectif de collecte pour America’s Gift to France est de 275 000 dollars, ce qui est relativement modeste en comparaison des spectaculaires campagnes de levées de fonds de plusieurs millions de dollars ou centaines de millions en temps de guerre.
Elle se tient pendant une semaine du 22 au 27 mars 1920.

L’illustrateur Albert Steiner dessine une affiche : elle représente une paysanne qui plante un arbre sous les regards bienveillants de deux enfants avec une couronne de laurier et d’une femme, allégorie de la paix, et en arrière-plan des ruines s’effacent derrière les rayons du soleil. Placardée dans les villes et villages, l’affiche informe les populations des lieux où ils peuvent effectuer leur don.
Des cérémonies et des événements se déroulent dans les universités et les écoles pour inciter à donner.

Les objectifs sont atteints : en juillet 1920, 275 000 dollars ont été récoltés et on compte plus de trois millions de donateurs issus de l’ensemble des Etats américains, y compris le territoire de l’Alaska.

Le choix du site

Dès 1920, des discussions sont engagées pour déterminer le lieu qui accueillera le monument.
Frederick MacMonnies visite plusieurs sites témoins de la bataille de la Marne, des propositions d’emplacements à Paris sont évoquées mais aucun lieu n’est définitivement choisi.
A la fin de l’année 1925, MacMonnies participe à des rencontres et des réunions avec les membres du comité américain au cours desquelles sont débattus des possibilités et des
avantages d’élever le monument à Paris, porte Maillot ou dans le bois de Vincennes, ou alors près de Meaux sur le site même du début de la bataille de la Marne.
En juillet 1927, la route de Varreddes, dominant la ville de Meaux est finalement retenue pour accueillir la statue.

Inauguration du monument

Le monument est inauguré le dimanche 11 septembre 1932 à l’occasion des célébrations du 18e anniversaire de la victoire de la Marne. Le matin, des cérémonies religieuses ont eu lieu, suivies d’un grand banquet dans les salons de l’hôtel de ville.
L’après-midi, le Président de la République, Albert Lebrun, est présent, accompagné de plusieurs ministres, du maréchal Pétain, du général Pershing, de nombreuses personnalités nationales et locales et de Walter Evans Edge, l’ambassadeur des Etats-Unis en France. C’est lui qui, au nom du peuple américain, offre officiellement le monument à la France. Plus de 30 000 personnes sont présentes ce jour-là autour du monument et le long de la route de Varreddes.

Description du monument américain

Constitué de 220 blocs de pierre de Lorraine d’Euville et haut de 24 mètres, le monument est composé de plusieurs ensembles :

  • L’ensemble principal représente une femme nue debout, un glaive brisé à la main. Elle porte plusieurs emblèmes de la France : coiffée d’un bonnet phrygien, elle tient, au creux du bras gauche, des étendards et des drapeaux surmontés d’un coq et sur le bras droit, un drapé aux fleurs de lys. Elle porte sur la jambe droite un homme, plié en deux, sans doute son fils mort au combat.
  • Du côté droit, une femme pleure, elle tient dans ses bras un homme couché sur le dos, le visage en arrière. C’est l’image du deuil.
  • Du côté gauche, un chien et un enfant. Celui-ci tient la tête levée vers la femme debout. Il est le symbole de l’espoir après la guerre.

Le socle comporte des textes gravés sur deux faces :
Sur le devant, l’appel de Joffre du 6 septembre 1914 : « Au moment où s’engage une bataille dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer… »

Et, en anglais, à l’arrière du monument :« Here speak again the silent voices of heroic sons of France who dared all and gave all in the day of deadly peril.
Turned back to the flood of imminent disaster and thrilled the world by their supreme devotion. Erected in 1932 by American friends of France in memory of the battle of the Marne in september 1914 ».
[Ici se font encore entendre les voix ardentes des héroïques fils de la France…Ils ont tout bravé, tout donné, au cours des longues journées pleines d’embûches, tandis que les guettait la mort. Ils ont arrêté le flot d’un désastre imminent et leur suprême dévouement à fait tressaillir le monde. Erigé en 1932 par les amis Américains de la France en souvenir de la bataille de la Marne de septembre 1914].

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Les symboles du moment

La femme nue…
Elle crie, la tête tournée vers le ciel. Depuis la Renaissance, la représentation d’une femme nue regardant le ciel est utilisée dans les arts comme symbole de la vérité. Ici, allégorie de la France qui pleure ses morts, elle permet de traduire l’universalité du combat mené pour la liberté.

… coiffée d’un bonnet phrygien
Le bonnet phrygien symbolise la liberté conquise et ici défendue. Le bonnet phrygien était porté dans l’Antiquité par les esclaves affranchis. Dès 1792, il est un signe de ralliement révolutionnaire. Aux États-Unis, il a été un symbole de liberté pendant la Guerre d’Indépendance (1775-1783). Il est
toujours présent sur le drapeau de l’État de New York.

Le drapé de fleurs de lys
Depuis le Moyen Age en héraldique, la fleur de lys est l’emblème de la royauté française. A proximité du bonnet phrygien, la présence de la fleur de lys suggère ici peut-être l’Union sacrée, mouvement qui a rassemblé les Français de toutes les tendances politiques et religieuses lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il peut s’agir également d’une évocation de la figure de La Fayette, député de Meaux et véritable trait d’union entre les Américains et la France par sa participation active à la Guerre d’Indépendance des Etats-Unis.

Le coq
Le coq, qui n’est pas un symbole officiel de la France, apparaît toutefois dès l’Antiquité comme un emblème gaulois. Sous la Révolution, il symbolise l’identité nationale. Sous la Troisième République, il représente le courage et la fierté face à l’aigle prussien. Il figure dans certains monuments aux
morts de la Grande Guerre.

Le glaive brisé
Communément symbole d’une lutte héroïque et désespérée, il représente la paix retrouvée au prix du sacrifice de la nation lors de la première bataille de la Marne.

Le chien
Dans les représentations symboliques, le rôle principal du chien est de conduire les âmes de la vie à la mort. Ajouté dans la composition du monument en 1928 quand le site de Meaux est retenu pour sa construction, il pourrait ici s’agir d’un briard, chien connu pour conduire les troupeaux et les défendre contre les prédateurs et les voleurs.

L’enfant
Il lève la tête et regarde vers la femme debout, exprimant l’espoir en l’avenir et la construction d’un monde nouveau et pacifiste par les futures générations.

Restauration

Le Monument est inscrit au titre des Monuments Historiques le 6 février 1990.
Comme toute statuaire de plein air, le monument subit les attaques des éléments naturels et de la pollution. Avec la construction du musée de la Grande Guerre à ses pieds, une restauration a été entreprise en 2011. Le monument américain connaît le chantier le plus important depuis sa création : 4 mois de nettoyage minutieux et de restauration nécessaire à sa stabilité qui permettront de redécouvrir sa composition complexe et ses détails oubliés.

Le monument a subi les intempéries en juin 2021 et plusieurs morceaux de la partie haute sont tombés au sol. Un projet de reconstruction soutenue par une campagne de souscription est en préparation.

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Bibliographie :

  • The sculpture of Frederick William MacMonnies : a critical catalogue
    Par E Adina Gordon – Edité par New York University, Graduate School of Arts and Science, 1998
  • A Flight With Fame: The Life & Art of Frederick MacMonnies, 1863-1937
    Par Mary Smart – Éditeur : Madison, Connecticut : Sound View Press, 1996.